Arrecife, le retour de Michèle

Le premier contact avec les îles Canaries me laisse une impression mitigée.

14 octobre
Arrecife est une petite ville sans caractère particulier, propre, bien aménagée pour recevoir
une clientèle dense, composée d’Allemands, de Suédois, de Norvégiens, d’Anglais,
mais aussi d’Espagnols du continent, un pied déjà bien engagé dans le marché
commun.
J’essaie de joindre Olivier et j’apprends qu’il a retrouvé sa copine et qu’il est sur leur bateau sur l’île de Fueteventura, dans le port de Corralejo. Mais pas de problème, leur bateau reste en escale plusieurs jours.
L’aéroport, à une dizaine de kilomètres, est en pleine effervescence à cette époque
et le nombre d’autocars aux couleurs de TOUR-OPÉRATEUR, en stationnement sur
le parking, témoigne si besoin était du caractère organisé des vacances “aux îles de
rêve” pour la majorité des gens débarqués.
Je suis par contre satisfait de pouvoir m’approvisionner dans des supermarchés très
européanisés et de glisser mes achats dans un caddie sans me préoccuper au
préalable de marchander les prix, procédure dans laquelle j’excelle sur les souks
marocains, mais qui m’épuise à la longue, car quand tout se discute, même le prix
d’une course de taxi ou le droit de port réclamé par des clubs prétendument
mandatés pour gérer le plan d’eau, cela devient une préoccupation.
N’attendez pas de cette ville un dépaysement quelconque ; ici, comme sur nos côtes,
le touriste est attendu de pied ferme.
” Votre argent nous intéresse”. Telle est la devise reine, avec le Mark bien sûr.
L’envie d’aller visiter l’intérieur de l’île me démange, mais j’attendrai que Michèle nous
rejoigne ; du reste il va être temps de me préoccuper de savoir où elle se trouve car,
si j’ai signalé mon départ de Casablanca, j’étais plutôt évasif sur la date et le lieu
présumé de mon arrivée aux îles.
Normalement elle devrait se trouver à Madrid chez nos amis, mais lorsque j’ai
téléphoné j’ai eu leur bonne, qui m’a annoncé ou du moins j’ai cru
comprendre, que la “señora no esta aqui” et qu’elle était partie aux Canaries.
Angoisse.
Je fais rappeler par le réceptionnaire d’un hôtel et cette fois-ci no problème, Michèle
est bien encore à Madrid prête à sauter dans le premier avion.
Bueno.
Le lendemain nous guettons avec inquiétude l’approche de son avion, car il vient de se produire successivement 2 catastrophes aériennes à Madrid; Iberia me paraît être devenu une aventure à haut risque.
Enfin voilà, l’échelle s’approche de l’avion qui libère son flot de voyageurs ravis
certainement d’être accueillis par un soleil aussi resplendissant.
Nous sourions comme tout le monde, mais connement, parce qu’il n’y a pas de Michèle
dans l’avion à moins qu’elle n’ait revêtu la tenue de pilote.
Vérification, erreur, l’avion de Madrid, ce n’est pas 10 h, mais 12 h ; encore heureux que
ce n’est pas manãna car nous sommes venus à pied avec Sandra (10 km) pour ne
pas épuiser notre bourse et l’idée de faire 2 fois le parcours me donne encore des
frissons.
12 h.
Cette fois-ci elle est là.
Je ne vois qu’elle dans la foule.
Elle agite la main de temps à autre, mais je ne suis pas dupe, puisque nous sommes hors
de ses possibilités visuelles.
Plus la distance se réduit, plus l’inquiétude me gagne.
Les retrouvailles sont toujours délicates avec Michèle.
Son regard balai en général le décor comme pour s’assurer qu’en son absence nous
n’ayons pas modifié l’environnement, ce qui serait un signe évident de rejet,
que nous n’avons pas l’air trop heureux d’être affranchi de sa tutelle,
que l’irréversible ne s’est pas encore produit, puis rapidement tombe le premier des “pourquoi” d’une longue série qui aura tôt fait de nous culpabiliser.
Dans la plupart des cas cela déclenchera une riposte agressive, par désespoir de ne
pas avoir réussi cette fois-ci encore, à rompre le cercle d’un vieux problème
relationnel à l’intérieur duquel nous savons si bien tourner en rond.
Michèle, Yvan …
Nous nous précipitons dans les bras l’un de l’autre.
Quel bonheur de se retrouver après un mois de séparation.
Alors ton voyage, ça s’est bien passé ?
Formidable, 4 heures de vol, escale à Malaga, puis une vision splendide du
détroit de Gibraltar, l’anse de Ceuta à gauche et à droite le virage de la côte
portugaise au Cap St Vincent.
Superbe.
La visibilité était réduite sur le Maroc, mais lorsque nous avons de nouveau survolé
l’océan, le ciel s’est dégagé et nous pouvions voir une mer toute striée de taches
blanches.
Je pensais à la pollution, ou encore à des bandes de dauphins, en réalité en
atterrissage je me suis rendu compte qu’il s’agissait du déferlement des crêtes des
vagues.
Il y a eu en effet un bon alizé aujourd’hui.
Pourquoi ne m’as-tu pas téléphoné plus tôt ?
Ça y est, c’est lancé, reste calme Yvan, reste calme.
Une heure plus tard, la guerre froide approche à grands pas, car j’ai déplacé certains
objets dans le bateau, justement ceux auxquels elle tenait le plus, signe évident de
son éviction…
En fait pourquoi m’avoir demandé de revenir puisqu’à l’évidence vous effacez
dès que j’ai le dos tourné les marques de ma participation à l’agencement de notre
lieu de vie ?
Que répondre ? Que moi aussi j’aime marquer de mon empreinte notre
environnement et que j’ai autant de droit qu’elle de le faire ? Que j’avais oublié de
tout remettre en place, qu’elle veuille bien m’en excuser ? Que, que et merde,
pourquoi se justifier à tout instant.
À plus tard, je vais faire un tour chez Cassiopée.
Le lendemain, Michèle, maussade et triste, moi boudant nous faisons un grand
nettoyage intérieur et extérieur. Maya reprend meilleure physionomie.
Nous décidons de descendre au Sud de l’île, à Playa Blanca, un lieu magique qui, malheureusement a pris aujourd’hui le chemin de Torremolinos…

PS – je ne vais pas vous parler plus avant de l’île de Lanzarote que j’adore, vous trouverez dans la rubrique du site : Carnets de voyage, une présentation de cette île et celle d’un artiste de talent, peintre et architecte, ayant contribué à la préservation de celle ci :
César Manrique.
Ces documents font suite à un séjour en avril 2020.

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