
Samedi 3 mars
Dès midi, nous investissons Santa Cruz car un carnaval ” ENAURME ” de chars, de majorettes et de musiciens est annoncé pour le début de l’après-midi et les places le long du parcours qui doit être emprunté sont prises d’assaut.
Il fait un temps splendide, ce qui n’est jamais garanti dans cette partie nord de l’île.
De nombreux groupes de musiciens amateurs s’expriment avec beaucoup de conviction. Quelques spectacles de danse, de théâtre, mais surtout de ” bouffe ” attirent le chaland.
Ici, c’est l’Espagne et on aime bien manger et faire descendre tout çà avec l’aide de quelques cervesas.
Le défilé est effectivement superbe.
Pendant près de deux heures les chars, tous magnifiquement décorés, se succèdent, précédés de groupes musicaux endiablés.
Ce sera, à mon goût, le seul intérêt de ce carnaval bien que le cœur plein d’espoir, mais aussi pour les enfants, nous resterons jusqu’à 2 où 3 heures du matin espérant être submergés par de joyeux débordements… que nenni.
Les musiciens de ce début d’après midi semblent s’être épuisés prématurément.
Nous n’avons vraiment rencontré que des marchands de frites.
Imaginez la foire du trône, mais sans manèges…
D’autres se sont ” fabuleusement ” amusés !
Depuis 4 jours que nous sommes à nouveau à Los Christianos, j’ai repéré un petit bonhomme, maigre, noueux, taillé à coup de serpe dans un rayon de bicyclette, le visage dévoré par les poils, sans âge, perpétuellement en discussion à gauche où à droite.
Il semble parler toutes les langues du monde !
Mais c’est mon John de Las Palmas !
John, est australien et ancien mécanicien de la marine marchande.
Il est marié à une jeune allemande dont il a 2 enfants absolument superbes, polyglottes comme lui. Il est vrai que pour John le monde ressemble à un jardin dont il connaîtrait tous les recoins.
Lâchez John une demi-journée quelque part et il aura repéré tout ce qui peut être utile à un vagabond des mers :
– L’endroit où on pourra recharger la bouteille de gaz
– Le rare commerçant qui peut, par ici, te vendre du pétrole désaromatisé (le kerdane n’est pas en vente dans les grandes surfaces et l’espagnol préfère l’électricité pour s’éclairer et se chauffer).
– Le pétrole, c’est bon pour les portugais…
– La combine pour te procurer un sextant soviétique pour pas cher (il faut bien que les marins de là-bas arrondissent leurs fins de mois)
– L’atelier de mécanique qui saura également faire une soudure inox.
– L’endroit ou louer une bouteille de plongée afin de dégager ton ancre coincée par 10 mètres de fonds dans une chaîne traversière à la suite du dernier coup de torchon qui est passé par là et, t’indiquer les autres bateaux qui sont dans ton cas et que tu pourras dépanner, amortissant très vite ainsi les coûts de location.
John providence attire mon attention sur une de ses observations
Tous les jours, me signale-t-il, vers onze heures du matin, des jeunes “sac-à-dos” arrivent sur le port de Los Christianos, afin de prendre le ferry pour aller à la Gomera.
Ils arrivent de l’aéroport, en provenance d’Allemagne pour la majorité.
Ils se rendent bien sûr à Valle Gran Rey, vous situez
bien sûr ?
Seulement voilà, le ferry est parti à dix heures ce qui les oblige à attendre celui de dix-huit heures. Mais ce n’est pas tout, car ce ferry dessert San Sébastien au nord de l’île où il arrive à vingt heures, d’où nécessité de prendre un taxi où de passer là nuit à l’hôtel.
Vous voyez la raison de mon intérêt pour cette observation ?
Eh oui, il y a là un moyen de gagner sa vie quelque temps.
Il suffit en effet de proposer de les conduire directement à Valle Gran Rey et ce ma foi pour le prix du ferry, avec cependant des conditions intéressantes s’ils sont sept où huit…
Qu’à cela ne tienne, le premier contacté a vite fait de trouver des collègues parmi les “sacs-à-dos” qui était avec lui dans l’avion.
En une demi-heure le tour est joué, non sans quelques inquiétudes, car MAYA n’étant pas le long d’un quai, il faut transporter ce petit monde ainsi que les sacs, avec l’annexe en veillant à ne pas attirer l’attention de la Commendencia et, une fois à bord, les convaincre de ne pas trop mettre le nez à la fenêtre avant d’être sortis du port.
J’ai parfois eu le sentiment d’être un peu un négrier quelque part…
Cinq à sept cents francs pour quelques heures de navigation est somme toute une situation acceptable que j’exploiterai, durant plus de 2 mois, à raison de 2 allers par semaine puis, rapidement ensuite, 2 retours également, car le bouche-à-oreille fonctionnant remarquablement, MAYA était vraisemblablement devenu le voilier le plus connu des îles.
Je me serais volontiers passé de tant de publicité et suis encore surpris de ne pas m’être attiré des ennuis.
J’ai quand même jugé plus raisonnable de mettre fin à mon petit manège, mais non sans regrets.
Pendant ce temps, Michèle et les enfants sont tranquilles. Plus de bateau, la plage, le soleil et les rencontres, que souhaiter d’autre ?
Ce sera l’occasion pour Michèle de faire connaissance avec une Américaine installée à Valle Gran Rey. Elle travaille à la traduction d’un ouvrage sur les Guanches ( premiers occupants de ces îles) et a besoin d’une secrétaire 2 heures par jour.
Il y a des périodes comme çà ou tout sourit.
Pour finir de combler Michèle, nous faisons la connaissance de Canadiens très sympathiques. Elise et Gérard l’initient à la cuisine macrobiotique, un vrai bonheur… Lui communiquent leur passion pour les choses naturelles, l’amènent découvrir toutes sortes d’herbes utilisables en infusions où en décoctions.
Nous “héritons” de Kéfir (ce n’est pas leur chien) et chaque jour Mich nous prépare avec ce truc mélangé à du lait en poudre local, un D.E.L.I.C.I.E.U.X. lait baratté… on ne choisit pas toujours avec suffisamment de prudence ses amis !
Je ne serai pas mécontent de passer ce bazar par-dessus bord trois mois plus tard.
Heureusement il y a aussi de très bonnes soupes de légumes, puis le gofio, maïs où blé tostadé avant d’être moulu, sans oublier le fromage de chèvre de Hierro, le miel de palme (dattier) et les petites bières bien fraîches chez Catherine au bord de la plage.
Avec l’arrivée du printemps, l’île devient magnifique.
Les orangers sont en fleurs et chaque variété d’arbre exhale un parfum subtil.
Les dernières pluies ont rendu les ruisseaux vivants et caracolant.
Les jours s’écoulent trop vite.
Les soirées nous trouvent réunis, autour d’un barbecue ou dorent les tranches d’un thon acheté sur le port, où simplement profitant de la chaleur d’un feu de branchages en écoutant chanter ceux qui ont quelques dispositions pour cela ou un guitariste improvisant un flamenco que nous essayons de soutenir de nos claquements de mains, hélas manquant de ce rythme inimitable que maîtrisent si bien les Espagnols.
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