Port-Vendres – Port-la-Nouvelle

Port-Vendres, mardi 6 novembre.

Je trouve, non sans mal une place à quai convenable.

J’explore les pontons de la marina payante, toujours attentif à retrouver un équipage ami. J’ai la surprise de tomber sur Jean-Pierre. Décidément nos routes se croisent souvent. La première fois que je l’ai vu, c’était à Viana do Costelo au Portugal, à la frontière avec l’Espagne. Maya était à quai quand un bateau mené par un solitaire est entré dans le port.
Il y avait un fort vent et par deux fois le skipper avait cherché à mouiller avant de pouvoir enfin réussir à la 3e tentative. Je lui avais proposé de venir à couple, mais il avait décliné ma proposition.

  • Pouvez-vous me dire où se trouver la Capitainerie.
  • Venez je vais vous indiquer, mais envoyez le pavillon de courtoisie, ils sont très chatouilleux ici.
  • Mais c’est fait.
  • Si je ne me trompe pas, c’est le pavillon Espagnol que vous arborez.
  • Oui pourquoi ? Nous ne sommes pas en Espagne ?
  • Pas vraiment, mais bon ce n’est pas très loin.

    J’ai revu Jean-Pierre la dernière fois il y a un an, dans la lagune de Faro et plus précisément dans le petit port au cœur de la ville de Faro. C’est un bassin où les petites embarcations sans mat peuvent entrer en passant sous un petit pont destiné au passage d’une voie de chemin de fer.
    Quelle ne fut pas ma surprise de voir son voilier, maté, dans ce bassin !
    Jean-Pierre m’expliqua qu’il avait fait la connaissance d’une jeune fille de la ville et qu’il avait décidé de rester passer l’hiver là. Il avait obtenu que l’on démonte la voie de chemin de fer pour le laisser entrer !
    Es Demaciado !
    Sa compagne Portugaise est toujours avec lui. Ils se fixent pour l’hiver à Port-Vendres car ils ont trouvé un emploi dans une usine de congélation de produits de la mer.
    Un peu plus loin un grand voiler en bois, vraisemblablement construit à Taiwan retient mon attention. Le pont est encombré de paquets, de vêtements et de coussins qui sèchent, visiblement ils ont été malmenés en mer.
    Mon regard est attiré par le nom gravé sur une pièce de bois à la poupe. “Timoa”
    Voyons ce nom me dit quelque chose… mais oui bien sur la “baignoire”.
    Je fais la connaissance de toute l’équipe, 6 personnes, le skipper/convoyeur du bateau destiné au charter dans les Antilles et cinq équipiers payant (bien)
    Apparemment leur mésaventure n’a pas refroidi le groupe. Ils ont déjà en grande partie remis de l’ordre à bord, mais beaucoup de choses ont pris l’eau ; le linge finira par sécher, mais les denrées alimentaires sont foutues.
    L’alcool ça va – merci. Nous arrosons cette rencontre comme il se doit et je suis invité à dîner au restaurant avec eux.
    Bonne route les gars. À condition de quitter Port-Vendres.
    La forte tempête qui sévit et le vent remontant vers l’est causent des problèmes de sécurité pour les bateaux à quai. Les lames en furie passent par-dessus la partie Est de la jetée pourtant de dimension sérieuse, conjugué avec le ressac levé dans la passe d’entrée. L’accès au port vient d’être interdite à tous navires, le violent ressac transformant le plan d’eau portuaire en une marmite en ébullition, impossible de rester à quai.
    Les pêcheurs en tête, nous nous amarrons au centre du bassin, une aussière avant au quai et arrière à ceux de l’autre côté du port, à condition d’avoir des aussières d’au moins 100 m. ou un compromis ancre/aussière pour ce qui me concerne.
    Le phénomène s’expliquerait par la construction d’un quai proche de l’entrée à la place d’une plage qui jouait le rôle d’amortisseur.
    C’est désagréable, inconfortable comme situation et cela risque selon la météo de durer quelques jours.
    C’est encore plus navrant pour les passagers payant de “Crédit Agricole” le premier de Philippe Jeantot, aujourd’hui propriété du Comité d’Etablissement d’EDF-GDF. Ils ont en effet pris un programme d’une semaine de croisière qui aurait dû les conduire de Port-la-Nouvelle à la côte Algérienne via les Baléares et retour.
    Pour l’instant, ils ont parcouru une dizaine de miles et vraisemblablement guère plus à venir.
    Alain, le skipper a plaisir à visiter Maya, car c’est avec un “Rêve d’Antilles” qu’il a été concurrent dans la transat en solitaire. Je suis de mon côté en admiration devant la quincaillerie électronique du coin de navigation de “Crédit Agricole”.
    Baver devant la taille des winchs serait du péché de gourmandise, quant aux dimensions du carré, même spartiatement meublé, c’est dément. J’ai l’impression de pénétrer dans une cathédrale. Mon Maya fait figure d’annexe. Tout ça n’est pas très bon pour le moral. Inutile d’être entraîné dans des rêves impossibles.
    Une semaine se sera écoulée avant que je ne réussisse à quitter Port-Vendres. Le vent est brutalement tombé dans la nuit et c’est, propulsé par 10 nœuds de vent que je mets le cap sur Sète. La mer est encore très dure et je progresse péniblement.
    En début d’après midi le vent tombe complètement, Maya avance depuis 2 heures au moteur quand une odeur de brûlé provenant de la conduite forcée de ventilation du compartiment moteur fait monter mon rythme cardiaque à 150.
    J’ai vite trouvé l’explication et aussi vite enrayé le début d’incendie occasionné par un court-circuit provoqué par la jauge de carburant. Tout le faisceau électrique a brûlé. La situation n’est pas gaie. A 2 miles de là je distingue l’entrée de Port du Canet-en-Roussillon et décide d’y faire escale pour réparer, mais le vent presque nul ne me propulse guère.
    Plus j’approche de l’entrée et plus je m’inquiète. En effet, la passe me paraît être blanche, les vagues déferlent, je n’arrive pas à entrer en liaison radio avec la Capitainerie et décide de me dégager au large et d’essayer de réparer les dégâts. Je coupe, je taille, je chattertonise et, le cœur plein d’espoir, mais les tripes nouées, je remets sous tension.
    Les narines dilatées, je hume comme un clébard sur la piste du gibier si aucune odeur suspecte ne réapparaît, démarre le moteur et reprends la route avec l’intention d’essayer d’entrer à Port la Nouvelle.
    La Capitainerie me précise que l’entrée vient d’être déconsignée et qu’en la prenant bien dans l’axe, moteur à bon régime pour rester manœuvrant, je n’aurai que le désagrément de me croire sur un scenic-railway. Ça passe et même si la première personne à m’accueillir est encore un douanier, je suis ravi d’être au port.

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