
Allez bonhomme, secoue-toi, la mer semble s’être calmée, Menorca t’attend.
Je dérape dans l’après midi – Cap sur Ciutadéla – 28 miles.
La mer et le vent sont plus forts que je ne pensais, ce qui m’oblige à arrimer plus sérieusement tout ce qui traîne sur le pont.
C’est suffisant pour être trempé.
Encore un départ dans l’insouciance. Un jour j’aurai des ennuis plus sérieux.
À l’approche de l’île, le vent se calme et c’est bien sûr au moteur que je finis le parcours.
L’entrée de Ciutadela est pittoresque ; certainement pas autant que Bonifacio en Corse, mais j’y trouve néanmoins plus de points communs qu’avec St. Tropez. J’ai en effet lu quelque part dans un guide, que Ciutadela était le St. Tropez des Baléares !
Il est vrai que comme à St. Tropez les bateaux sont cul au quai, lui-même occupé par bon nombre de restaurants, de bars, de boîtes, remplis d’une foule de joyeux vacanciers à la recherche de sensations, de “typipcos” et de souvenirs pour égayer les 11 prochains mois avant de recommencer l’année suivante.
Mais ça, c’est juillet et août, fin octobre, c’est un peu tristounet et je n’ai pas envie de m’attarder.
Quelques provisions, le ménage et direction le sud de l’île.
À moi les Calas.
En débordant le cap d’Artrux, mon estomac me signale qu’il est 14 heures et que je l’oublie.
La mer est plate, le soleil brille, j’embarque la première baie : Cala en Bosch.
C’est très mignon. L’eau turquoise est limpide, Maya est seul, mais il y a pas mal de monde sur la plage.
Je ne résiste pas à l’envie de me baigner et nager jusqu’à la grève.
Sur la gauche, un peu en retrait, un immense Hôtel accueille une clientèle essentiellement allemande – Est-ce la raison du nom de baptême de cet endroit ?
Casse-croûte, bronzing et on repart.
Pas pour bien loin.
Cala son Saura semble accueillante.
Le guide précise que trop ouverte à la houle du large, elle n’offre aucune protection, mais pour l’heure, la mer est plate.
C’est sauvage à souhait ; une grande plage de sable, un bois de pins, aucune habitation et personne dans le décor. Bien sûr, l’eau est limpide et calme.
Je ne dirai pas que c’est le rêve, car quel superlatif vais-je employer pour d’autres encore plus belles ?
Remarque, je pourrais dire qu’elle est plus fascinante que fascinante ? Que l’eau est plus claire que claire ? Que le sable n’est pas blond, mais super blond ? Que le coin est génial, mais sans bouillir ?
Ménorca je crois qu’on va s’aimer passionnément
Plus de fruits, plus de légumes, plus de beurre il est temps de filer direction Cala Galdana qui est pourvue de tous commerces.
En longeant la côte de très près, je repère Cala Turqueta puis Cala Macarella. Je me promets de revenir les voir en détail.
Galdana est une baie bien protégée par de hautes falaises rassurantes, mais hélas, la plage est bordée sur une grande partie par d’imposants hôtels et c’est suffisant pour m’inciter à partir dès les provisions faites.
Une petite heure de voile me ramène à Cala Macarella et je découvre sur l’ouest de la baie un petit bras superbe, Macarellita.

Ce coin me fait un peu penser à certaines calanques du côté de Cassis, mais en plus sauvage.
Je découvrirai l’année suivante, en août, que Macarellita est une zone naturiste fréquentée en majorité par des Espagnols, ce qui est rare. Leur rigidité judéo-chrétienne ne les prédisposant pas aux séances de bronzage cucul-nu.
Mais tout bouge et vite dans ce pays ; la drogue n’est pas interdite à la consommation, mais seulement à la vente…
Les mœurs se libéralisent et l’Espagnole n’est plus à assimiler à une forteresse inaccessible, que seul un long siège permettait d’apprivoiser, de vaincre, et d’en découvrir tout le charme sauvage.
Pour l’heure, Maya, Orange et moi sommes seuls.
Hier j’ai pu avoir Michèle au téléphone. Une première fois rapidement, car je n’avais pas beaucoup de pièces, mais suffisamment pour ressentir comme un reproche dans ses propos. Il m’est quand même très agréable de l’entendre.
Lors du second appel, j’ai l’impression qu’elle me témoigne un peu de compréhension. Elle semble avoir des projets professionnels et gagner en autonomie, ce qui a toujours été un de mes souhaits.
Les enfants n’auront pas à me reprocher cette fois-ci d’avoir trop d’influence sur leur mère et de l’empêcher de se réaliser
Que c’est complexe une femme.
Voilà encore un domaine où je n’ai pas encore compris grand-chose, pas plus qu’aux enfants du reste.
Suis-je condamné à vivre seul ?
Pourtant, je me rends bien compte, une fois de plus que l’intérêt, le plaisir de découvrir un paysage sont vraiment liés à la possibilité de partager son émotion avec quelqu’un. Seul, le plaisir existe, bien sûr, mais accompagné de frustration. Pour partager, faut-il encore qu’il y ait compréhension et entente mutuelles, ce qui a malheureusement disparu dans ma relation avec Michèle.
Ce n’est pas dans le climat d’incompréhension, d’intolérance, de reproches dans lequel nous étions, que nous pouvions envisager bien longtemps de faire route ensemble.
Ce point m’inquiète pour l’avenir. Comment rebâtir cette relation sereine nécessaire ?
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