Je passe la journée de lundi à nettoyer Maya du sol au plafond puis décide d’installer un ridoir sur l’étai, ce qui n’est pas des plus orthodoxe, mais j’ai du mal à raidir le pataras pour des raisons d’accessibilité.
Juan Cabrera me surprend dans ces activités, mais surtout par la tenue qu’il arbore fièrement.
J’apprends ainsi qu’il est militaire de carrière et chef de la Sécurité pour ce secteur !
J’accepte avec plaisir son invitation à dîner pour mercredi et passe une soirée très agréable avec ce couple si accueillant.
Jeudi nous allons ensemble prendre l’apéritif au Club de l’armée.

C’est un endroit remarquable, creusé dans le roc, disposant d’un restaurant, d’un bar et d’une grande terrasse surplombant la Cala San Esteban ; bien sûr il y a une plage privée avec solarium, et chaises longues.
Juan m’explique que quelques mois plus tôt un voilier Français d’une dizaine de mètres est venu s’échouer dans cette cala, intact, mais sans personne à bord !
Il est depuis amarré au quai de la Marine Militaire. Personne ne l’a jamais réclamé !
Quand Michèle m’accuse d’avoir un peu la tête en l’air…
Vendredi est une journée de calme, mais aussi de rencontres. Elle commence comme souvent en flemmardant dans le cockpit à écouter de la musique, taper sur mes tams ou lire. J’ai parfois envie d’écrire, mais laisse trop continuellement passer l’envie. Juan m’a donné un livre de Sagan, en français, qu’il avait dans sa bibliothèque ; “Le lit défait” c’est plaisant – c’est Sagan. Je me rends mieux compte, 20 ans après avoir dévoré ses premiers ouvrages de son réel talent d’écrivain. Sa façon de décortiquer les ambiguïtés de ses personnages est vraiment étonnante. Ce couple qui “s’affronte” je mets ce mot entre parenthèses, car y a-t-il réellement affrontement ? Elle le domine, il subit. Il l’aime lui. Il accepte tout pour qu’elle soit là, avec lui, mais, même cette acceptation joue contre lui.
God que la mécanique humaine est complexe.
Je m’identifierais assez facilement à cette femme si ce n’est son goût pour la vie mondaine.
Un gars, que j’ai quelques difficultés à reconnaître, vient me saluer. C’est un professionnel du charter que j’ai rencontré à Espalmador. Il m’invite à venir le saluer à Barcelone si je passe par là en rentrant. Porque no ?
Puis c’est un couple de gens sympathiques que j’accueille. Ils arrivent d’Hong Kong ou ils ont fait construire leur bateau ; superbe – 4 ans de voyage – lui est Français, elle Américaine. Ils se sont rencontrés au Mexique. Ils souhaitent vendre le bateau, estimant que ce n’est pas le meilleur moyen de jouir de sa liberté. Je ne peux qu’être d’accord avec eux.
Nous parlons de Pierre Tangval qu’ils ont connu en mer de Chine. Je leur raconte ma rencontre l’an passé avec Pierre, Anne, Thomas et Carmen qui venait de naître. Je ne sais pas encore que “L’Artémis de Pithéas” vogue vers les Antilles et qu’Anne n’y arrivera jamais. Un voile de plus sur ce personnage étonnamment étrange !
Juan passe prendre un pot vers 18 h. et je lui confirme mon intention de rentrer en France très vite maintenant.
J’y pense depuis quelques jours. Je n’ai pu joindre Michèle nulle part pour le lui dire. Pour lui dire quoi d’ailleurs ! Que je me rapproche, mais que je n’ai pas l’intention néanmoins de rentrer à la maison ! Tout cela n’est pas bien clair dans ma tête. Je sais que je vais partir. Je ne sais pas ce que je veux faire et puis toute réflexion sur ce sujet me mine.
Pour l’instant, je continue à vivre au jour le jour, les choses s’enchaînent sans effort. L’échéance toujours repoussée semble pourtant moins abstraite. J’invite Juan et Maluja à m’accompagner sur Maya jusqu’à Fornells au nord de Menorca que j’ai choisi comme base de départ, surtout pour le plaisir de découvrir un site nouveau.

Nous convenons de lever l’ancre samedi à 11 heures.
Nous partons à l’heure prévue, mais à 3 seulement, Juan, Juanito son neveu et moi.
Maluja qui n’aime pas beaucoup le bateau préfère assurer l’intendance et nous rejoindre par la route.
Le vent est bien sûr de bout et nous oblige à tirer des bords dans une mer assez creuse.
Jua-Nito se métamorphose en asiatique…
- 16 h.30 – nous entrons au port.
Maluja est là avec sa fille et son copain ainsi qu’une quantité incroyable de victuailles. Gambas, fruits de mer, tarte fourrée de viande hachée, fromage, fruits, gâteaux et vins.
La ligne de flottaison de Maya disparaît.
Maluja a bien sûr prévu des assiettes et gobelets en carton afin que je n’aie pas à faire la vaisselle et souhaite ne pas avoir à remporter ce qui reste de comestible, soit de quoi survivre une dizaine de jours.
La soirée ne s’arrête pas là. Nous retournons à Mahon en voiture et à 22 h. nous débarquons à l’hôtel Hamilton. Un ami de Juan anime un concert de jazz suivi d’un bal en faveur des clients de l’hôtel, Anglais du 3e âge. La danse des canards par ces palmipèdes à quelque chose de dérisoire, de triste et je suis un peu agacé par les animateurs de ce groupe qui leur ont appris cette danse et ses contorsions grotesques.
Je suis content de regagner mon bord même si je quitte à regret mes amis.
Je sais que je reviendrai ici, à Minorque, mon île “coup de cœur”.
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