Etape Lanzarote – Fuerteventura

Nous sommes au mouillage depuis peu, à Playa Blanca au sud de l’île et, surprise, nous voyons arriver Jonathan, le voilier de Wolker sur lequel se trouve Olivier !
Ce bateau que nous avions fréquenté sur les côtes portugaises, fait partie d’une association allemande de réinsertion de jeunes en difficulté.
Tous les 6 mois, il fait un aller/retour entre l’Allemagne et les îles Canaries, avec 6 jeunes.
Parmi ces 6 jeunes, il y a Klaûs, pour lequel Sandra aurait un faible.
Wolker est juste venu la récupérer.
Je vois que la VHF fonctionne.
Le temps qu’elle monte à bord, Wolker repart, car tout son équipage, Olivier compris, est resté de l’autre côté, à Corralejo.
A Playa Blanca nous faisons la connaissance avec l’équipe sympa du voilier Lou-Larsen : Elisabeth, Patrick et Bruno, auxquels se joigne l’équipe de Cassiopée : Viviane, Patrice et Philippe.
Nous visitons ensemble une grande partie de l’île. Le temps passe…
Noël approchant, nous décidons tous d’aller le passer ensemble à Fueteventura.

Nous longeons Lobos, petite île à proximité de Fuerteventura, protégée par ses hautes falaises rocheuses, apparemment inaccessibles.
De Lobos je visualise la passe d’entrée de Coraléjo qui est effectivement délimitée par des hauts-fonds où la mer, pourtant tranquille ce jour-là dans le détroit de la Bocayna, brise dangereusement.
Deux pannes flottantes plus un quai nous tendent les bras.
Nous nous attendons à trouver l’eau, l’électricité et un marinéjo pour nous réclamer quelques pesetas, et bien non, car si les premiers ne sont pas encore installés, le troisième existe déjà, mais hélas il est en vacaciones para la navidad. Dommage.
Pourquoi dommage ? Je me souviens d’avoir déjà ressenti une impression similaire, il y a bien longtemps, dans les années 70, en Bretagne, car depuis les tarifs des marinas ont tué en moi tout sentiment désintéressé.
Je me souviens, à l île d’Hoëdic, d’un panneau qui nous accueillait au début du sentier conduisant au village, approximativement en ces termes :” Aidez nous à maintenir en état ce port et à créer un point d’eau pour les douches. Venez acquitter une taxe de 5 francs par jour. Merci.”
J’ai toujours couru porter ma pièce. La douche fut installée, puis ce sont des dizaines de plaisanciers qui ont progressivement envahi le peu d’espace de ce petit abri.
Pour la sauvegarde de cette île, n’en déplaise à mon ami Jean, président du Club Hoedicait, je planterais volontiers un panneau en bout de jetée : stationnement interdit, indiquant néanmoins les marinas des environs, avec caps et distances, il faut être humain.
Ainsi pourrait disparaître, les magnifiques tas d’ordures ménagères, ornant les alentours du port, témoignant des bienfaits de la démocratisation de la voile…

Curieuse ville que Coraléjo.

On y accède depuis le port par une sorte de no man’s land peu encourageant ; de la terre battue, des amorces de constructions, peut être une future cité à touristes ?

Mais en approchant de ce qui pourrait être le centre ville, le décor devient plus agréable. on y trouve une jolie petite place où une foule d’enfants espagnols s’exerce à un jeu dont j’ai oublié le nom et qui consiste, tout en sautant sur un pieds, à faire tourner autour de l’autre cheville un petit cerceau prolongé par une corde au bout de laquelle est accrochée une balle.
C’est vraiment l’exercice en vogue et ses liens de parenté avec le hulla hop sont très forts.
Coraléjo est un haut lieu du surf et de la planche de saut.
A trois ou quatre kilomètres dans l’ouest de la ville, s’élèvent quelques énormes ensembles touristiques totalement isolés, mais équipés de façon à ce que les heureux occupants puissent vivre en complète autarcie avec alimentations (produits germaniques) et Nights Club à l’entrée soigneusement filtrée.
Tous les jours ce sont des dizaines d’acrobates qui affrontent les déferlantes au-dessus des hauts-fonds avec l’aide efficace de l’éternel alizé du Nord Est.
Je ne sais pas si c’est dû à la présence de bateaux amis, de l’ambiance liée à l’approche de Noël, de la tranquillité de ce port, mais ce que je sais, c’est que là encore nous en sommes partis trop vite.
Nous retrouvons Olivier et Sandra, mais seul Olivier réintègre le bord. Ses amours virant au grand frais.
Le 21 décembre, à notre grande déception, Cassiopée, Lou-Larsen et Captain Cap viennent nous saluer, ils filent sur Las Palmas.
L’appel des Caraïbes toujours… Mais c’est un peu tard.
Leur départ m’assure deux heures de spectacles, car je ne doute pas que ces lascars vont régater dur.
De fait, après un départ en fanfare, les 2 voiliers les plus récents se dégagent rapidement de la passe, mais j’ai la surprise de voir, dès l’allure de portant, le vieux Captain Cap rattraper et dépasser rapidement les autres.
Nous restons à trois bateaux et décidons de fêter Noël ensemble. L’île Lobos semble l’endroit idéal, car déserte si l’on excepte 2 ou 3 ânes.
Mais une seule ombre, le mouillage est perpétuellement agité et dangereux. Nous sommes tributaires de la météo.
Dans la nuit du 22 au 23 le vent tourne au sud-sud-est. Le dernier bulletin météo de notre ami Wolker (Nagrafax) le laissait prévoir.
Au matin la côte n’est visible qu’au travers d’une sorte de brume qui n’est autre qu’un vent de sable ; Sirocco pour les autochtones, Harmattan dans ses caractéristiques, ce vent arrive du Sahara. Le spectacle pourrait être beau, mais tout le linge qui séchait, la grande voile ferlée sur la bôme, les sacs à voiles, sont rouge-brun. Un désastre. (Plusieurs mois plus tard, le mat sera encore tacheté d’une sorte de vernis rouge difficile à enlever).

Adieu notre petite fête sur Lobos. Qu’à cela ne tienne nous allons quand même la préparer. Nous partons à Rosario à une cinquantaine de kilomètres de là car il n’y a pas de jouets à Coraléjo. Le stop marche correctement. La ville est en hauteur et domine un port mal abrité où ne séjournent que des pêcheurs et 2 ou 3 cargos. Aucun voilier en escale. Deux ou 3 magasins nous permettent de remplir la hotte du père Noël, mais que ce secteur est banal !

La campagne, désolée, désertique ne nous inspire pas plus, aussi nous quitterons l’île sans envie d’aller jusqu’au sud où paraît-il les plages seraient belles … Le terrain et la petite cabane du club local de plongé serviront de cadre au réveillon. Nous laissons les Allemands régler les problèmes techniques, feu et matériel pour le méchoui, éclairage au gaz, sonorisation et nous chargeons de préparer quelques desserts. J’avais acheté à Casablanca un petit livre de cuisine marocaine, en français, de Latifa Bénami-Smirès et commencé à m’exercer avec notamment des préparations de Keftas aux œufs à la tomate, mais je ne m’étais pas lancé dans la pâtisserie ; l’occasion est là… Mon choix se porte sur des cornes de gazelles. Inconscient !
Avez-vous déjà essayé de réduire 1 kg. d’amandes avec 1 petit hachoir à viande de bébé ?Essayez un jour d’ennui, vous ne verrez pas les heures passer.
Nous ne les avons pas vues non plus et c’est en retard d’une heure que nous avons rejoint nos amis qui avaient déjà attaqué les hostilités…

Je regarde de temps en temps notre livre d’or et la dédicace de “Jonathan le pilleur dépaves ” me va toujours droit au coeur :

Nous ferons tout pour nous revoir un jour dans un p’tit coin et manger les fameuses cornes de gazelles du grand chef Yvan”

Soirée d’amitié où allemands, espagnols, français, belges, suisses recréent un langage universel où les mots ne sont pas le seul véhicule de la communication.

Feliz navidad
Happy Christmas
Joyeux noêl

Nous nous réunissons tous à bord de Maya pour lever notre tasse de café qui remplacera la coupe de champagne traditionnelle. Moyens financiers de vagabonds des mers obligent…

25 décembre .

Michèle a ramené un petit sapin factice qu’elle décore de guirlandes et accessoires, que nous n’avions pas oublié de prendre en quittant la France. L’ambiance de Noël à l’intérieur de Maya est tout de suite créée, au grand plaisir des enfants, qui sont finalement plus attachés aux rituels traditionnels que leurs comportements ne le laissent penser.
Mathieu est très heureux de ses cadeaux. Carabine, colt, tenue de shérif, étoile bien sûr, menottes plus un complément de légos qui occuperont beaucoup ses journées.

Nous avions prévu un tour sur Lobos mais “petit Jonathan” parti le premier est de retour : une barre importante rend le mouillage en ce moment inaccessible.

Nous traînons, bavardages ici, apéritif par là et accueillons un bateau hollandais que nous avions aperçu il y a quelques mois à Porto : NORWENA. Nous sympathisons avec le couple composant l’équipage ; enfin ce n’est pas tout à fait juste, il y a aussi deux chattes à bord qui, 15 jours plus tard à Las Palmas, leur poseront un gros problème.
Norwéna est à couple d’un bateau de pêche qui part au petit matin… avec une des chattes à bord !
Recherche de l’armement, contact radio, confirmation, le matou est bien à bord, mais le bâtiment ne rentre que dans 3 semaines…

Nos amis retrouveront leur chatte, mais elle s’est déjà habituée à son nouveau domicile, poissons frais quotidiens obligent, et ne manifeste guère d’enthousiasme à retrouver son petit panier. L’ingrate.

Mich, nous sommes le 28 décembre. J’ai promis aux amis que nous réveillonnerons pour le jour de l’an avec eux à las Palmas. Nous partirons “manãna”, le temps de récupérer notre tribu.





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Michelle HEBERT

Cette lecture est un vrai roman. Yvan je ne savais pas que tu avais ce talent d’écrivain !

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